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« L’audition au cœur de la subjectivité :

une approche pluridisciplinaire de l’événement sonore »

Journée d’étude RPPsy du 4 avril 2024, organisée par N. DAUMAN de la composante RPPsy POITIERS CAPS

 

Université de Poitiers, Maison des Sciences de l’Homme et de la Société

Campus universitaire : bâtiment A05

 

Entrée gratuite, sans inscription

 

Thème de la journée :

 

Des cinq sens qui le mettent au contact du monde, l’audition est le seul qu’un sujet humain ne peut soustraire à l’influence des événements extérieurs : l’oreille, dit-on, n’a pas de paupières. Pour échapper au bruit qu’il ne veut pas entendre, il n’a ainsi d’autre alternative que d’instaurer une distance physique avec la « source » sonore envahissant un espace qui, dès lors, n’est plus tout à fait le sien. Cette propriété du bruit de pouvoir contrarier tant la pensée que la parole, voire de les rendre impuissantes à s’exercer comme le voudrait le sujet, est au cœur du champ de l’audition et en détermine les enjeux de territorialité (Barthes et Havas, 1976). Ainsi le calme est-il nécessaire à la subjectivité, pour écrire ou parler, sans quoi l’excès d’une présence devenue « concurrente » rend ces activités impraticables. Comme le soulignait déjà Minkowksi (1936) dans une approche phénoménologique, tout événement sonore « en dépit du caractère d’extériorité que nous lui attribuons », est d’abord une subversion de la distance spatiale sur laquelle nous construisons notre rapport à l’altérité : les sons retentissent dans notre corps dans l’instant même où ils surviennent dans l’espace. Cette intimité entre l’écoute et la conduite humaine se manifeste jusque dans le silence que le sujet est invité à « observer », dans les moments les plus solennels de la vie sociale, où s’impose à chacun la décence d’un effacement de sa présence sonore aux oreilles de tous. D’autre part, la portée subjectivante du silence est soulignée en psychanalyse avec le concept de pulsion invocante (Lacan, 1964), qui indique le rôle déterminant de l’appel dans l’émergence d’un sujet en devenir, trouvant un accès à sa propre voix par l’attente d’un autre qui ne la lui confisque pas en parlant à sa place (Vivès, 2013). De la prise de parole à la confrontation au bruit qui la rend inaudible, en passant par l’enchantement de l’écoute musicale, le champ de l’audition interpelle donc par son ubiquité dans l’expérience humaine, et la difficulté que nous rencontrons précisément pour en dire « le côté fugitif et insaisissable » (Lecourt 1983).

 

Cette journée d’étude propose d’en questionner certaines dimensions à partir de souffrances auditives faisant événement dans la vie de sujets qui confient leur détresse à l’écoute de psychologues cliniciens à l’hôpital, en pratique libérale ou en structures spécialisées. Dans leur diversité clinique, ces souffrances ouvrent des questions nombreuses au sein d’une « anthropologie du sonore » : Comment accompagner les inquiétudes de parents dans l’attente d’une transmission possible de leur voix à leur enfant sourd de naissance, par le recours à l’implant cochléaire ? Quelle tentative de subjectivation est à l’œuvre dans l’action associative de patients qui plaident pour une reconnaissance, par les pouvoirs publics, de leur handicap auditif invisible ? Que peut-on entendre dans la crainte d’un effondrement à venir pour des sujets souffrant d’hyperacousie, quand ils se heurtent aux bruits de la vie sociale qu’ils n’auront pu éviter à temps ? Et quel espace subjectif les aider à restaurer, quand l’omniprésence des bruits semble leur imposer de disparaître sur-le-champ, dans une recherche (interminable) de paisibilité sonore ? Si les bruits émergent de sources extérieures dont nous cherchons habituellement à nous tenir à distance, comment appréhender la démesure des acouphènes qui résonnent depuis l’intérieur de l’oreille et s’imposent comme une « présence insaisissable » qu’il est impossible de fuir ? Enfin quels liens, et quelles différences, peut-on penser entre ces phénomènes d’intrusion sonore et l’hallucination auditive qui est mieux connue, sans doute, dans le champ de la psychopathologie ? Ces questions, parmi d’autres, pourront servir d’occasion à un dialogue pluridisciplinaire, afin d’éclairer la portée subjective de l’audition au plus près des paroles entendues en entretien et des écrits sur la sonorité de l’expérience humaine.

En vous remerciant par avance,

Cordialement.

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